Savez-vous comment j’ai rencontré ma femme ?

Tous les médias passant leur temps à nous rappeler avec force publicité qu’il serait de bon ton de marquer d’une pierre blanche (ou serait-ce rouge…) le sacrosaint jour de la Saint Valentin,  voici que je me prête au jeu…

Pour protéger l’anonymat de ma femme Fanny ainsi que de moi-même, nous serons respectivement remplacés dans le billet suivant par Juliette & Roméo, mon goût pour la farce littéraire n’ayant d’égal que mon manque total de modestie.

Or donc, il advint, dans un passé pas si lointain que Juliette et Roméo, ne se connaissant point, déjeunèrent dans un établissement du front de mer. ( notez les rimes-z-et les z’allitérations… )

Juliette semblait fort aise de faire la conversation à quatre éphèbes visiblement captivés par son éloquence, à moins que ça ne soit par ses charmes, mais en aucun cas les deux puisqu’il est scientifiquement établi que la capacité multi-tâche d’un cerveau est la marque exclusive de la Déesse (qui habite, n’en doutons pas, la sublime Juliette)

Roméo quant à lui ripaillait avec nombre cousins, riant fort de paillardises et autres traits d’esprit de corps de garde.

Néanmoins, la beauté gitane de Juliette n’avait pas échappé à Roméo et il crut bon de chercher à croiser son regard. Icelle étant le centre de toutes les attentions ne rendit point d’œillade et le déjeuner continua son cours.

Jusqu’au moment où trois succubes connues dans nos régions sous le nom de « Miss » firent leur apparition, bardées d’écharpes rappelant leur titre et suivies par une foule de soupirants digne de la cour des miracles. Roméo, toujours ébloui par la beauté païenne de Juliette persistait à attendre son heure en observant sa tablée.

Les quatre éphèbes offrirent à Roméo le plaisir du premier échange. En effet, visiblement impressionnés par les artifices des Miss, ces quatre mignons avaient délaissé la conversation de Juliette pour se tourner, l’air hagard et la langue pendante vers les Canons de Beauté, qui tenaient plus à mon goût de la Grosse Bertha que d’une arme de précision… Juliette était aussi surprise qu’amusée par la situation et trouva le réconfort dans le regard de Roméo qui lui adressa son plus beau sourire afin de lui signifier qu’il avait saisi le manège et qu’il semblait le seul dans l’assistance à préférer les atours de Catalane aux caprices des reines de beauté.

N’étant ni l’un ni l’autre d’un naturel pressé, six mois passèrent pendant lesquels le déjeuner était la promesse quotidienne d’un regard, chacun chérissant le souvenir de ce sourire partagé. Jusqu’au jour ou Juliette disparut et ne vint plus aux rendez-vous tacitement convenus. Six mois passèrent encore et Roméo aperçut Juliette qui déjeunait entourée d’amies à la terrasse d’une guinguette de la ville. Pétrifié par le trac et l’idée que Juliette avait pu fuir leurs rendez-vous à dessein, Roméo passa son chemin et revint plus tard s’enquérir du nom de la belle auprès de ses amies.

Le lendemain, Roméo s’installa dans cette nouvelle guinguette et attendit que Juliette se présente pour déjeuner, bien décidé à reprendre le manège quotidien des œillades et des sourires muets. Point de Juliette – on apprendra plus tard que Juliette était retournée à l’établissement du front de mer en nourrissant les mêmes espoirs.

La mort dans l’âme, Roméo revint le lendemain et aperçu enfin l’objet de son affection sans parvenir à l’approcher, celle-ci n’ayant pas remarqué sa présence. Fort heureusement, accompagnée d’une courtisane, elle s’approcha de tenancier pour lui régler ses gages, et entrevit enfin Roméo. S’en suivit une discussion à voix basse entre Juliette et sa courtisane qui n’échappa pas à Roméo. Bien que sa vertu soit irréprochable, l’expérience amoureuse de Roméo lui suggéra d’attendre encore quelques minutes à la même table et il ne fut pas déçu en voyant Juliette et sa courtisane prétexter d’avoir oublié quelque artéfact féminin afin de retraverser la guinguette, observant ainsi d’un regard appuyé notre infortuné Roméo.

S’en suivit un échange de poulets – les jeunes générations apprendront qu’un poulet est un billet doux – et le reste de l’histoire appartient désormais à la postérité puisque l’union éclatante de Juliette et Roméo fut consacrée quelques années plus tard et que deux beaux enfants naquirent de l’incroyable couple.

11 réponses

  1. Très joli Basile… la fin est un peu rapide (au moment où Roméo commence à aborder Juliette, hop, deux enfants) mais c’est un très bel article et voilà une belle fin alternative pour ceux qui n’ont pas aimé celle de Shakespeare.

  2. Il est rare aujourd’hui de voir autant de patience chez les Roméo ! Un billet qui m’a ému, merci Basile …

  3. Je découvre ton blog au hasard d’un énième clic de ce dimanche sans vagues… Et finalement cet après-midi s’annonce plutôt cool !!! 😉

  4. Aaah trop fort ce Romeo! Une année de sourires timides et hop, Juliette est en cloque!!! Je savais bien qu’on m’avait menti avec ces histoires de chou et de rose!!

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