Si vous êtes utilisateur du train ou êtes un peu attentif à la presse française, vous avez surement vu passer des articles sur le lancement en demi teinte d’IDTGVMax.
Après avoir écoulé en 24h et de manière inattendue les 10 000 pass Illimités, il y a eu quelques couacs. Je ne m’étendrai pas sur l’amalgame TGV/IDTGV — 800 trains par jour pour le premier, une trentaine pour le second.
En revanche pour avoir bossé dans le transport aérien, la question du #RM (Revenue Management) m’intéresse au plus haut point. En l’occurrence, l’acronyme n’est pas vraiment le bon, car dans une compagnie aérienne (ou de transport) on mélange les notions de RM et de remplissage puisqu’elles sont étroitement liées. Pour IDTGV, c’est sur la question du surbooking qu’il faut s’attarder. Voici en substance comment fonctionne la carte illimitée :
- Vous avez le droit de réserver 4 voyages à l’avance, pas plus.
- Partant du principe que comme c’est gratuit, il vaut mieux réserver et ne pas prendre le train que l’inverse, histoire de ne pas tomber sur un train complet en s’y prenant au dernier moment. Les utilisateurs seront donc surement nombreux à faire #noshow
Voici en substance le concept du surbooking :
- Sachant qu’on constate statistiquement 4% de #noshow sur chaque vol, la compagnie décide de vendre 4% de billets de plus qu’elle n’a dans l’avion, afin d’être sure de remplir celui-ci.
- A l’échelle de toute la flotte et de tout le programme, cela représente un bénéfice supplémentaire — ouh les méchants capitalistes — mais aussi une offre plus complète car moins de résa refusées au motif que l’avion est rempli — chic, un meilleur service.
- Le % de #noshow varie en fonction du tronçon, de l’heure, de la saison, etc.
- Tout l’art de la personne qui s’occupe du #RM dans une compagnie est de choisir le bon logiciel et de bien le paramétrer pour optimiser les recettes de la compagnie sans créer trop de situations du genre « vous ne pouvez pas monter dans l’avion en dépit de votre résa parce qu’on s’est vautré sur le surbooking ». Les fortunes se créent ou se perdent sur cette question.
Revenons au cas d’IDTGV Max :
- Le problème d’IDTGV Max a été de proposer un nouveau service à une nouvelle population.
- Ainsi, comment savoir à l’avance combien de places réserver aux « Trotters » dans le train ? — Trotters est le terme qui désigne les porteurs de cartes illimitées.
- Une fois ce chiffre établi, comment savoir quel % de #noshow prendre en compte sur ces lignes ? Le nombre de places mises en « vente » en dépend.
IDTGV a donc du faire des hypothèses en se disant « on comparera avec la réalité et on ajustera ». A l’évidence, ils se sont plantés vue la grogne qui a suivi le lancement. Selon la technique des grands coups de volant, ils sont partis dans la direction inverse, si j’en juge par le wagon entier quasi vide d’hier réservé aux Trotters entre Perpignan et Paris — moi ça m’arrange. De toute façon, dans un mois, les mecs du #RM auront ajusté les choses et ça roulera sans problème.
Vous me direz, pourquoi nous racontes-tu tout ça ? Voici l’équivalent du problème précédent pour #JSNEI :
- Croire qu’il suffit d’avoir d’une part des Nuls et d’autre part des As pour que le business tourne est une erreur. #JSNEI n’aurait pas besoin d’exister si c’était le cas — pour l’instant, c’est pas un business puisque les As travaillent gratos pour les Nuls qui font vibrer leur corde sensible.
- Croire qu’il suffit de les mettre dans une pièce en les enjoignant de se mettre d’accord sur un prix est une erreur.
- Le problème de #JSNEI est de proposer une transaction qui n’a pas d’équivalent actuellement. Ainsi, le simple fait que le Nul ne sache pas à quel prix s’attendre et que l’As ne sache pas quel prix proposer est problématique. Avec les utilisateurs actuels, je vois déjà une différence énorme entre ce que les Nuls sont près à payer et la somme pour laquelle les As sont près à se déplacer.*
L’un des nombreux défi de #JSNEI est d’aider ces deux populations à se rencontrer, non pas seulement dans le sens du contact, mais aussi dans le sens d’une proposition acceptable par les deux parties.
Ce défi est l’équivalent du #RM pour les compagnies aériennes, c’est à dire la corrélation élastique entre les ventes effectives que l’on fait et la matière réelle que constitue l’objet des ventes. La longueur, la résistance et la tension de cet élastique sont les trois variables les plus importantes du business model.
* Si vous utilisez BlaBlaCar, vous avez surement remarqué, une fois de temps en temps, un hurluberlu qui propose un trajet pour 10 fois plus cher que tous les autres. La force de BlaBlaCar est de suggérer un prix pour chaque trajet à la personne qui propose un trajet.
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