[edit] Le business des planches d’occasion à Tahiti

Depuis le temps que les boards de pro inondent le marché chaque année en mai-juin, il est grand temps de faire le point sur ce business, qui n’est pas aussi bon (ça dépend pour qui) que l’on peut le croire.  Un petit coup de fil aux douanes s’impose pour comprendre comment on peut ou on ne peut pas importer une planche (temporairement) quand on est un pro du Top44. Je tombe sur une dame charmante qui s’inquiète du pourquoi de mon appel, à laquelle j’explique que Tahiti Surf Mag est un site internet, etc…
Tout d’abord, en arrivant en PF, le pro doit remplir un carnet ATA (procédure simplifiée d’importation temporaire) sur lequel sont inscrites les planches avec lesquelles il entre sur le territoire. Ce carnet devra être présenté au départ pour vérifier que le pro repart avec toutes ses planches. Si le nombre de planche est inférieur, deux solutions :

  1. Des planches ont été cassées, auquel cas un accord entre la FTS et le Service des Douanes spécifie que la FTS doit faire un rapport quotidien pendant la Compétition de Teahupo’o sur qui a cassé quoi comme planche. De l’aveu de la dame qui me répond, il semble que ca ne soit pas vraiment fait dans la pratique (en tout cas pas quotidiennement, ce qui ce comprend quand on voit le rush que c’est d’organiser la compétition)
    Dans ce cas, le surfeur n’aura rien a payer.
  2. Des planches ont été vendues et le surfeur devra payer les taxes en vigueur sur l’importation de planche (notament la TDL, taxe de développement local qui protège l’industrie du shape)

Le système de vérification des planches cassées ou non semble être laissé à l’appréciation de la FTS, et je n’ai pas réussi à obtenir une réponse claire du Service des Douanes sur ce point, malgré des relances insistantes. Pour avoir un éclairage différent sur les choses, nous avons contacté un shapeur de la place qui a les idées bien arrêtées sur la question :

D’abord je voulais profiter de cet article pour saluer le travail que réalise chaque année les organisateurs locaux et etrangers pour le bon déroulement de cet évenement qui est chaque année un succès !
Ainsi je pense que la Billabong pro est sur beaucoup de point positive pour Tahiti et il ne faut pas compliquer les choses pour les pros du top 44 ainsi que pour les organisateur.

Cela dit, comme le fait remarquer Max (voir ci-dessous), au sujet « des trialistes  et des surfeurs de passage » il serait interressant de savoir quelle quantité de planches (non taxées) sont laissées, vendues ou troquées ici a Tahiti.

Outre le fait  que la competition représente beaucoup de passage de surfeurs pendant une courte période il ne faut pas que cela fasse polémique et que nous omettions de parler des surfeurs de  Tahiti qui partent en voyage et qui rammenent avec eux une ou plusieurs planche de surfs qui ne seront pas forcément taxé…(un exemple parmis tant d’autre : une maman hotesse de l’air qui m’apporte une planche de surf a réparer en me disant : »C’est pas cher en Australie, j’en ai rapportées 3 pour mes enfants sans avoir payé de taxe à la douane« ).

A mon avis, le business de planches de surf d’occasion importées (destinées à être revendu dans les foires ou les parkings) risque d’être problématique pour les shapeurs locaux. En effet, une fois sur le territoire, il est impossible de distinguer une planche d’occasion passée en fraude de celles des circuits légaux. Pour conclure, je pense que des planches rentrent en Polynésie sans être soumises aux taxes en vigeur, toute au long de l’année, et cela depuis très longtemps. Ca ne me parait pas normal et mauvais pour l’évolution de la production locale. Le vrai probleme est qu’il ne faut pas que des gens en Polynésie puisse en faire un business…"

Max Wasna, président du Vairao Surf Club et cadre de la FTS, a également apporté son éclairage sur ce point qu’il connait bien pour avoir hébergé des pros brésiliens chez sa famille à la presqu’île :

"Je ne pense pas qu’il s’agisse des pros du Top 44 mais plutôt des surfers de passage et des trialistes. En effet, ceux du Top 44 enchainent directement à Fiji sans "repasser à la maison" et doivent à ce titre conserver leurs planches pour les prochaines étapes. De plus, les relations avec les douanes sont bien meilleures depuis quelques années et les autorités semblent commencer à comprendre l’enjeu de la compétition qui génère 200 à 250 millions de chiffre d’affaire toutes industries confondues de devises qui rentrent dans notre pays. Sans compter de la publicité « gratuite » que cet évènement diffuse dans le monde entier grâce aux médias et au site live de Billabong qui ne peut être bénéfique pour notre territoire. Nous avons réussi à instaurer une sorte de franchise de certaines planches pour chaque pro du WCT. Notre économie fragile oblige les autorités à faire subir aux pros et à l’organisation des procédures qui sont parfois lourdes, mais nous allons dans le bon sens… Tahiti est réputée pour être la destination la plus difficile au niveau des papiers, et l’organisation ne manque jamais une occasion de nous le rappeler !"

Max a aussi souhaité tordre le coup à l’idée très répandue selon laquelle les pros payent "en planches de surf" : "Pour avoir vu de nombreuses personnes essayer de troquer les planches contre le loyer, je peux vous dire que les pros du Top 44 ne les cèdent pas facilement, car ce sont leur sponsors qui règlent en général leur factures ! et chaque compétition leur rapport minimum 4.000 dollars us, donc ce n’est pas vraiment le souci du manque d’argent. Pour un surfeur local « aguerri » il préfère acheter une planche « sur mesure » que des planches de pros qui sont pour la plus part fragiles pour nos vagues."

Il est assez difficile de déméler les responsabilités dans cette concurence (déloyale ?) aux shapeurs locaux. En effet, au niveau réglementaire, il semble normal de faire payer les taxes au surfeur qui a « importé » la planche, mais c’est assez contre-productif au niveau économique car ce surfeur n’a pas comme activité principale la vente de planche et ne vient pas en Polynésie pour ça. Cette vente n’est qu’un moyen de gagner un peu d’argent sur un séjour très cher en Polynésie pour ces surfeurs professionnels. Doit-on alors se retourner vers les acheteurs individuels ? ou bien encore vers les « recelleur » de cette filière juteuse qui revendent ces planches le double voire le triple en magasin ?  

Il semble difficile de se plaindre de l’engouement général autour du surf pendant le mois de mai, mais est-ce que l’argent échangé reste bien sur le territoire ou sert-il aux surfeurs pro à « atterir en douceur » après un voyage couteux en PF ? Toutes ces planches, une fois en circulation en Polynésie, remplacent des planches neuves qui auraient pu être produites localement. D’une certaine manière, la caravane du surf, lorsqu’elle s’arrête en Polynésie, ressemble un peu aux bateaux de croisière. La grosse différence avec les vraies croisières, c’est qu’il existe à bord des vendeurs et pas seulement des acheteurs. Imaginez qu’il y ait à bord du Gauguin des touristes qui vendent des aliments aux habitants des îles deux fois moins cher qu’au magasin. Que croyez-vous que le magasin dirait ? Il est évident que les vendeurs du Gauguin seraient rapidement mis « hors d’état de nuire » à la fragile économie des îles et tout le monde trouverait ça normal. En quoi l’industrie du surf ferait elle exception à cette règle ?

D’autre part, des filières d’importations de planches d’occasions se sont montées ( qui ne connait pas les sympathiques brésiliens devant Chapion Paofai !? ) et semble plutôt prospères. Ces filières sont différentes de l’ « épiphénomère Billabong » car elles fonctionnent toute l’année et pas seulement pendant le mois de mai. En soit, ce principe n’a rien de choquant, puisque ce marché est à priori soumis aux taxes d’importations normales. Le problème réside plus dans l’estimation de la valeur des planches, (occasion = pas de facture le plus souvent [edit] je n’accuse personne ici, lire ma précision dans les commentaires[/edit]) car si la taxe est payée sur une base très inférieure à la valeur réelle de la planche, l’importateur fait une formidable plus value. On ne peut évidement pas demander aux douaniers d’être de faire des expertises sur la valeur de planche d’occasion, chacun son métier…

Quoiqu’il en soit, ces filières sont moins « problématiques » puisque les bénéficiaires de ces filières résident et consomment sur le territoire, au contraire des surfeurs pro. Cependant, les planches ainsi écoulées sont autant de manque à gagner pour les shapeurs locaux.

Pour information, l’industrie du surf a fait un incroyable bond depuis 5 ans (difficile d’affirmer le contraire vu le monde à l’eau) et pourtant, les shapeurs sont toujours aussi (peu) nombreux, et sortent presque le même nombre de planches par an… qu’il y a 5 ans ! Cherchez l’erreur ! ( entre 200 et 400 planches par an en moyenne pour les "gros")
La solution est-elle de défiscaliser les pains de mousse, la résine et la toile pour la création de planche de surf ? Peut-être, quoiqu’il en soit, un syndicat rassemblant les shapeurs de Polynésie est en cours de création et semble bien décidé à se faire entendre auprès du legislateur pour faire avancer la question.

8 réponses

  1. salut,

    je suis relativement d’accord avec tout ces articles, mais quoi qu’il en soit, est ce UNE compétition comme celle de la billabong pro qui fait vaciller le marché local de la planche de surfs ? Perso je crois pas.
    Remettant les choses a leurs places ! je connais beaucoup de surfers locaux sponsorisés par des Marques "non local" , qui revendent leurs planches légèrement moins cher que sur le marché… Et la ou je suis plus ou moins d’accord, ce n’est pas forcement les douaniés qui laissent passer. Mais simplement parce que leur contrat de sponsoring leurs permettent d’éviter les taxes!! Alors ou se situe le problème ? peut etre que les shapers devraient aussi sponsoriser nos surfers locaux ( je parle de gratuité de planches) car je sais que certain shapers locaux ne font pas de gratuité dans leur sponsoring mais une réduction. La plus part des Surfers locaux sponsorisés par un shaper ou marque non local ne payent pas ses planches. (et ca peut aller jusqu’à 15 planches à l’année).
    C’ est aussi une question d’image ! comment voulez vous que le surfers de tahiti soit interessé par un shaper local puisque meme les surfers locaux (amateur) sont sponsorisés par des shapers etrangés.??
    Alors on va dire que c’est facil a dire…Ect mais quoi que l’on dise c’est la réalité du SURF Business !! communiquez ! (donc investissement sur du long terme)

    le soucis se situe aussi avec les prix un peu élevés des planches a tahiti.
    Oui quand on connait bien le Shaper on peut l’avoir a 45 000 Xpf et Sans dérives.
    Après je sais pertinament que la conjoncture économique de tahit n’est pas très favorable pour pratiquer des prix plus bas.

    A hawaii Par exemple on voit autant de marques de shaper Connues que de Shaper connues locaux. Pour ma part je n’achete que local ! ( en board)

    Voila ben A++ les gars !

  2. Je confirme, l’accroche de l’article est "les boards vendues par les pros" parce que cette période de l’année crystalise ce phénomène, mais les intervenants de l’article disent bien que c’est un faux problème, car le reste de l’année c’est pareil sans les surfeurs pro…

  3. Et oui les gars Ok pour tout, article intéressant et instructif, les commentaires Ok aussi.
    Dans ce putain de monde voué à une mondialisation "inévitable" ( de mon cul : excusez du gros mot) je pense que la Billabong, les revendeurs d’amérique du Sud de chez devant Champion et non Chapion (lapsus révélateur ….Shaper…) ce ne sont que des épiphénomènes, comme cela a été expliqué auparavant. Le vrai problème est le coût de revient trop élevé du shaper local pour la fabrication d’excellentes planche du Fenua. Quand on sait que la Billabong peut engendrer 200 à 250 millions de chiffre d’affaire toutes industries confondues (dixit Max), le ou (les…) gouvernement(s) devrai comprendre que le surf peut être une manne intéressante pour le pays. On a une des plus belle vague du monde, du surf toute l’année dans une eau à 28 ° de moyenne, pourquoi Tahiti (et la Polynésie) ne deviendrait pas la Mecque du surf. Comment faire ? Détaxé tout simplement les matières premières à la fabrication des planches. Donc super planches car super shaper pour des prix super, et des vagues toutes l’année. Prix spécial pour les surfeurs en destination de Tahiti, pourquoi , parce que lorsqu’ils repartent du Fenua, ils auront acheté des planche made in Tahiti ect …… et ainsi de suite et voila.
    A plus les gars comme dit le collègue.

  4. Salut, c’est bien de la faute des shapers locaux si les surfers polynésiens toute classe confondus, achètent des planches étrangères a un prix plus interresant!!!
    La TDL ne profitent qu’a quelques shapers qui emploient plus ou moins une vingtaine ( en étant vraiment large!!!) de personnes et pourtant les planches vendus sont encore aujourd’hui hors de prix!!!
    Moi je suis pour la libéralisation du marché, en chine ils fabriquent des planches pour 100 USD ( environ 8000 fcp), alors qu’ici les magasins revendent les planches au prix que vous connaissez (environ 60-75 000 fcp), et pourtant une partie de ces planches viennet de chine!!!!! ya kechose qui est louche????

  5. Saluté !
    En plus on a un très bon exemple sous nos yeux grace a Tahiti surf report !!
    Une planche 6’2 Tortelier , 1 an a 35 000 Xpf, ok ben pour 15 000 XPF de plus j’en ai une customizé pour moi et surtout NEUVE ! comme quoi y a un problème…

    Pour les planches de chine, personnellement je trouve ca un peu Hot, encore une maniere de tuer les "petits"…. la solution n’est pas la, laissons ca pour les Grandes Firms multinationales !!
    Il est évident que l’on peut pas demander a un Sahper local de s’aligner a une concurrence chinoise. mais que au moins il fasse l’effort de baisser leurs prix ou sinon de proposer des offres (PAD, Derives, leash, premiere réparation offerte a auteur de 5000 Xpf…ect) plein de solutions possible !

    Qu’ils soient beaucoup plus présent, par exemple "TEVA" sponsorise énormément les enfants, je vois beaucoup de ses planches a papara.
    Y a vraiment moyen de faire plein de choses sur Tahiti avec les locaux !
    Suffit que chacun veuille bien y mettre un peu de bonne volonté.

    Il me semble que tortelier a une machine, je crois avoir entendu dire qu’il fallait 15 mn pour shaper une planche, n’est ce pas un gain de temps ? donc d’argent ? donc une possibillité de proposer des meilleurs prix ? (je n’oublie pas l’amortissement de la machine!) mais j’imagine que l’on achete pas une machine si ce n’est pas pour gagner du temps donc de l’argent!

    En ce moment j’aime bien Stone Fish, il propose des designs que tu peux choisir avec un Airbrusher ! Ect…. enfin des idées !

    Meme bon je reste convaincu que si tout les Shapers s’investissaient plus dans leur communication à travers les locaux ils en ressentiraient énormément de points positifs. je dis bien "s’investir plus" je ne dis pas qu’ils font rien !!

    A++ les boys !

  6. Salut tout le monde,
    Un rectificatif sur le prix des planches :
    il y a beaucoup d’options "à la demande" chez les shapers locaux
    personnellement j’ai une Kanoa et une tortel’ FAITES POUR MOI
    et ce sont les options qui coutent ( ou la taille du pain si tu tapes
    dans le gd malibu et Lgboard) mais une petite Tortel’ sans
    fioritures (pas de déco, pas de polish, …) c’est pas la ruine.
    Et avec Tortel ( et c’est là que le local est bon) tu l’essayes
    et si ça va pas il t’en refait une avec les modifs.
    (alors, oui il a une machine mais t’as vu le service, N I C K E L!)
    Va chez Maramu Stock, jungle truc à coté du marché,
    ou chez kellysurf, rapporter ta epoxy la semaine suivante
    en disant : Heu nan, finalement je vais prendre un pouce au dessus…
    et tu verras leur gueules. ha ha ha!
    Bon serieusement, tu surf ou tu frimes dans les vagues?
    une planche c’est comme un costard :
    du sur-mesure c’est mieux mais c’est (un peu) +cher.
    Si tu veux juste une signature Al merrick, Robert August
    ou Mark Riley sur ta planche achète un sticker!
    Ciao les tortues.

  7. Salut,
    je viens apporter un peu à ce débat qui est très interressant pour moi. Je suis un de ces brésiliens de devant champion, je suis importateur de planche d’occase et des fois les gens on un apperçu faux sur la chose.
    Par exemple, oui j’ai bien sur des factures de mes planches, je les achetes pas dans la rue mais avec des shaper au Brésil qui me font des super prix quand je ramasse tout leur stock, et que je travaille depuis un moment. Donc tout est légal et réglo dans mon business mais je comprends que certain n’aime pas la concurence qui en découle.
    Mon but n’est pas de déranger les shapers locaux, je pense qu’il y a de la place pour tout le monde et qu’il faut s’adapter au marcher. La majorité des planches que je vends ce sont des très jeunes qui achètent, des planches à 20.000 et ils n’achèteraient pas des planches à 50.000.
    En tout cas je casque à la douane moi aussi, mais je prefère avoir une marge pas très grande et vendre plus, question de choix, je n’ai pas de magasin n’on plus donc moins de charges.
    Les planches à Tahiti sont chères et je ne voit pas comment elles seraient moins vu que la main d’oeuvre et toute transformation de produit à un cout très élevé en Polynésie.
    Ah oui ceux qui viennent surfer et vendent leurs planches sans paye leurs taxes ça me dérange aussi mais je sais pas comment la douane pourrait éviter cela.
    a plus

  8. Suite a une conversation privée avec Patrick, il semble que je me sois mal exprimé. Je ne crois pas que le business de planche d’occasion soit illégal. Je précisais juste que du point de vue des shapeurs locaux, les "planches des brésiliens" sont vues comme une concurrence "déloyale" car les planches d’occasions achetées en Réal (monnaie du Brésil) sont forcément très avantageuses par rapport aux planches shapées avec les contraintes et les couts locaux.
    Bref, je n’ai aucun problème à ce que les gens montent des business autours du surf, bien au contraire.
    Bonnes ventes à tous, donc.

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