Economie du surf en Polynésie française

La réponse du berger à la bergère, c’est a dire à l’article d’Isabelle Berteaux dans Tahiti Business

(l’article est un peu long, mais bon…) [edit]article dispo ici[/edit]

Ce mois-ci est sorti dans Tahiti Business un dossier complet sur le surf et son économie en Polynésie. Pour ceux qui ne l’ont pas lu pour l’instant, et en attendant que je mette des scans de l’article en ligne, voici brièvement les éclairages apportés par le dossier :

  • Un bref retour sur l’historique du surf en PF, avec une conclusion sur Bourez et McComb ma, l’avenir du surf tahitien.
  • Un encadré sur la production de planche et l’importation.
  • Une petite digression sur le paradoxe nombre de pratiquants/nombre de licenciés.
  • Un article dédié à Tanseau, Hee Nalu, Teahupo’o, et Hinano.

Comme vous savez que je n’ai pas vraiment ma langue dans la poche en matière de surf, surtout de surf tahitien, voici mon éclairage à moi sur l’année 2007 qui est à mon sens une année charnière pour le surf Tahitien.

Premièrement, c’est à ma connaissance la première année où le « soufflé du surf » ne retombe pas juste après la Billabong Pro de Teahupo’o. Ca peut paraître idiot, mais c’est décisif : Les à-priori sur les surfeurs, censés être des traîne-lattes drogués jusqu’à la moelle, commencent à disparaître, car après avoir passé quelque temps à expliquer que la Billabong générait à elle seule XXX millions de XPF (voir ici), les convoitises ont fini par obtenir le status quo "ok, c’est des drogués, mais ça nous rapporte du blé ». Il n’y a qu’à regarder certains contrats de sponsoring récents pour comprendre que même si les surfeurs ne sont pas forcément aussi irréprochables que Slater, ils font quand même vendre.

Dans la même veine, la différence entre 2006 et 2007 est assez flagrante si l’on aborde la compétition O’neil The Mission. L’opus 2006 s’est déroulé sans que personne n’en soit informé, à ma connaissance, ni même la presse, ni votre serviteur (j’ai tout de même mes informateurs, d’habitude). En gros, ça se passait sur le Haumana et les compétiteurs n’ont quasiment pas posé le pied à terre, et pour ma part, j’ai appris l’existence de sa compète par Internet… le lendemain de la finale. Cette année, la compète a été normalement promue sur Tahiti, ce qui tend à me faire dire que même les américains commencent à considérer que Tahiti n’est pas qu’un endroit avec des vagues, mais aussi un endroit avec des surfeurs. Ca parait idiot, mais la France n’est connue des US que parce que Curren, Elkerton, et Maurice Cole se sont installés là-bas, il faut donc reconnaître l’importance du geste (surtout pour des américains…)

A voir l’évolution des mentalités lorsque l’on présente l’association Une Planche Pour Un Sourire, les gens ont vraiment franchi un cap, et l’intérêt du surf à dépassé le cercle des initiés. L’association des Kiwanis s’occupe cette année de notre projet pour pouvoir nous aider à obtenir des subventions de toutes sortes. (par exemple)

Ensuite, évidement, les réussites successives de Michel et Tamaroa ont bien entretenu le truc, les super swells de Teahupo’o en tracté, les photos de McKenna et consort ont bien aidé à promouvoir la destination, et par ricochet l’activité surf à Tahiti. En effet, c’est par le tourisme que le surf tire actuellement ses lettres de noblesses auprès des gouvernements successifs. Les Gastons et Oscar n’en n’ont sûrement rien à carrer des surfeurs. Pour surfer, on a besoin de rien, et c’est quand même plus intéressant de pouvoir arroser des entreprises de BTP en construisant un n-ième stade de foot plutôt que de se faire chier à nettoyer les plages ou installer des douches. (Ce qui ne coûte pas grand chose, donc ne ramène rien à celui qui touche un pot-de-vin)

En revanche, lorsque des mecs comme Raimana Van B. se bougent le cul pour faire payer des charters surf à bord du Haumana à des marques de surf, la, ça devient intéressant, et c’est certainement par là que le surf tirera son épingle du jeu. Cela dit, ne perdons pas de vue les échelles des business dont on parle. Notre ex-ministre de l’environnement, Bruno Sandras (aujourd’hui député) a fait voté en 2002 la subvention de 40 millions de francs pour une dotation de 100 poubelles de plage. Oui, vous avez bien lu, ça fait 400 000 XPF par poubelle. Outre le fait qu’il est déplorable qu’on puisse annoncer de tels chiffres sans rougir (surtout quand on voit la gueule des poubelles aujourd’hui) ce qu’il faut retenir c’est la chose suivante : Si l’on en croit l’article d’Isabelle Berteaux, le business des planches de surf représente 100 millions par an. Si l’on compare avec les poubelles de plage, on peut déduire, au choix, que le surf est sauvé puisque ça n’est pas cher à subventionner, soit qu’il est condamné à l’avance parce qu’il ne représente pas un potentiel de pot-de-vin suffisant pour intéresser les politiques. Je pense que l’histoire parle d’elle même, mais je vous laisse vous faire votre opinion. Paradoxalement, c’est la faiblesse du potentiel financier des activités surf en Polynésie qui protège pour l’instant ce sport. Très honnêtement, il vaut mieux éviter de voir arriver un GIE quelconque avec ses hordes de rori inutiles et d’incapables dans le milieu du surf.

Tout protégé qu’il est, le surf en Polynésie comme outil de développement économique est menacé par plusieurs choses :

  • L’effet de mode qui est absolument impossible à prédire. Je suis lecteur de nombreux magazines internationaux et j’ai remarqué une chose au fil des ans : De destination exotique et sauvage, la Billabong Pro de Teahupo’o est devenue commune. Le fait de voir de nombreuses grosses bagnoles et l’américanisation de la culture tahitienne y est sans doute pour beaucoup, mais c’est surtout la concurrence d’une autre étape, celle de Fiji qui a porté le coup fatal. A en juger par les mag US, c’est à Fiji qu’on pêche son poisson pour le manger, c’est à Fiji qu’on doit aller sur le spot en speed boat, c’est a Fiji qu’on a affaire à des gros guerriers des îles etc… La qualité de Teahupo’o est telle qu’il est difficile d’imaginer le tour pro sans le mur des têtes, mais la décision n’appartient qu’à une dizaine de personne, qui n’ont pas grand chose à faire de l’économie polynésienne.
  • Le non développement de Tahiti comme destination surf. Le fait que Tahiti soit chère n’est pas un vrai problème (en tout cas pas le plus gros) En réalité, le business du surf dans le cadre du tourisme est relativement confidentiel, et les prestataires sont loin d’être aux normes internationales. Quiconque s’est déjà fait transporter par le petit cousin du proprio de la pension pour aller de la pension sur le spot voisin n’aura aucun mal à imaginer le vide contractuel et l’absence d’assurance des prestations de « transfert sur le spot » que propose la pension. Cette absence d’assurances est suffisante pour dissuader n’importe quelle agence de voyage ou n’importe quel réceptif de proposer cette pension à la vente dans son catalogue. En soi, c’est n’est pas la mort du cygne, mais le circuit de distribution de toutes ces petites pensions et prestataires s’en trouve réduit à presque rien (vous avez déjà vu les sites de pensions de famille ? Pas terrible ? Imaginez donc les efforts qu’il faut pour vivre du surf en promotion directe par Internet…)
    Si des méthodes ne sont pas trouvées rapidement pour pouvoir attirer des surfeurs « normaux » à Tahiti, le tourisme surf ne décollera jamais car il faudra toujours avoir un copain avec un bateau pour aller sur le spot, un point de chute sur place chez des amis, etc… et les agences ne prendront jamais le risque de vendre des produits pour lesquels elles ne sont pas assurées.
  • La sclérose des institutions surf en Polynésie est aussi très dangereuse. Le fait qu’après un contrôle antidopage positif, un surfeur puisse continuer à participer pour Tahiti aux compètes internationales me dépasse vraiment. D’autre part, la chasse permanente aux sponsors les plus ésotériques (Charcuterie du Pacifique ?!?) aide certes à boucler des budgets serrés, mais une réflexion de fond à propos d’une filière sport-étude, la création d’événements surf orientés tourisme (un peu comme la participation de Tahiti Tourisme au tour de France à la voile) la création d’un Paris-Plage version « tous les sports de glisse à la pointe vénus » motiverait les initiatives privées authentiques.
  • Les média locaux qui sont toujours un peu longs à la détente… En 2007, après avoir annoncé en grande pompe une super couverture média de la Billabong, RFO a annulé ses retransmissions pour cause de grève, et l’écran géant place Vaiete a été réquisitionné pour… Miss Tahiti (quand on sait le succès de la soirée cette année, ca fait mal au cul…) Belle manière de promouvoir la seule compétition internationale de surf à Tahiti !

Il suffit de voir les pubs pour les bagnoles fleurir pour comprendre que le surf fait vendre, il serait trop bête que seuls les concessionnaires profitent de « l’effet surf » pendant que les surfeurs continuent à galérer avec les mêmes problèmes de propreté sur les plages, de maladies dans les embouchures de rivières et de prix exorbitants dans les surfshops.
Les champions locaux doivent pouvoir grandir en profitant de ce sport sans pour autant abandonner leurs études, particulièrement lorsque l’on sait que peu d’entre eux finiront avec un bon contrat qui leur assurera un boulot une fois les années compètes passées.
Les entrepreneurs de ce sport, ceux qui sont dans l’eau tous les jours pour bosser doivent pouvoir rentrer chez eux sans cette amère sensation qu’ils gagneraient plus à vendre des savates made-in-china à des soi-disant surfeurs.
Si je n’étais pas farouchement anti-corporatiste, je pourrais penser que monter un syndicat des entrepreneurs du surf business en Polynésie française serait la solution. Pour ne pas conclure ma diatribe sur une sensation de "on peut rien faire" voici une liste des associations et diverses structures qui vous permettront de vous investir dans le milieu du surf afin de faire avancer le schmilblick :

  • Tout d’abord, adhérez à un surf club n’importe lequel mais adhérez.
  • Ensuite, vous pouvez aller voir Mata Ara Te Miti le correspondant de Surfrider Foundation ici.
  • Une planche pour un Sourire récupère vos planches cassées (et a besoin de bras pour faire de l’insertion sociale par le surf)
  • La fédé a toujours besoin de coup de main également.
  • Prenez des cours de surf, ou conseillez les à vos amis.
  • Enfin, n’oubliez pas d’aller voter à chaque élection, les politiques n’arrivent pas au pouvoir par hasard. (et essayez de bien choisir, tant qu’à faire)
  • Et le plus important pour la fin, lorsque vous entendez des discours idiots sur les surfeurs drogués, intervenez !

8 réponses

  1. Bon allé, on va essayer d’être plus précis!
    J’ai enfin lu ce fameux article sur le Tahiti Business. Alors perso j’ai été un peu déçu. Tout y est schématisé dans le bon sens de nos Principaux Acteurs économique de ce marché. En soit, tout va bien dans le meilleur des mondes du "TAHITIAN Surf Business". Comme le précise si bien TSM, il y a beaucoup de chose à faire et d’autres a améliorer.
    Cet article ne fait que d’ecrire une image du "surf business" dans son coté le plus "BASIC" à l’avantage de certains…

    Comparaison simple!, il est dit dans l’article du Tahiti Business : "Les marques locales n’arrivent pas vraiment a rentrer sur un marché International du surf" Du moins difficilement.
    Alors oui Bien sur que c’est vrai ! Mais pourquoi ? parce que VA lancer une marque Tahitienne au US ou en Australie….. Ils te laisseront jamais rentrer comme ça sur leurs marchés pour faire péter le string du porte-feuille contrairement à nous. D’ailleurs c’est le meme problème en France…
    Hawaii ils ont DAHUI, Australie et USA je vous laisse deviner et nous ? on a quoi ?

    Tahiti est une vrai ressource pour sa population mais faisons comme tout le monde et ne laissons pas entrer à outrance des Multinational qui écrasons complètement notre "Micro" Marché. (enfin ….si ce n’est déja fait)

    Voila mon sentiment sur la chose, si tout le monde joue le jeux alors oui on pourra être plus positif sur l’avenir du Surf en Polynésie.

    Sinon Bon surf à tous !! =)

  2. moi pas comprendre ce que "brad" dis de plus que l’article de TSM ou de Tahitibusiness. tu ne vas pas plus loin dans la reflexion !! où veux tu en venir ?

  3. Ce que brad689 veut dire, je pense, c’est que la balance commerciale n’est pas équilibrée (ce qui n’est pas peu dire, en PF) et qu’un peu de protectionnisme serait bienvenu.

    Pour ma part, je pense que le protectionnisme est déja bien présent avec la TDL à tous les étages, mais que cette taxe de développement local parvient tout juste à compenser le niveau de vie entre les US et Tahiti.

    Du coup, forcément, si les sapes Quiksilver et Billabong arrivent de Chine, ca fausse un peu le raisonnement et ca reste très difficile de faire de la sape locale concurrentielle, alors qu’on lance sa marque en local contre des marques bien implantées à l’international.

    Cependant il n’est pas très raisonnable d’imaginer que la TDL ramène les choses au niveau des coûts de production du Bengladesh, la solution est donc à chercher ailleurs que dans le cost killing, et bien dans la promo. Cela fera l’objet d’un article à propos des shapers locaux très bientôt.

  4. bon alors mon cher basile, suite à la lecture attentive de ton article, je dis : OUI.
    oui, oui, oui. ton analyse est claire et profonde. j’aurais donc peut être dû t’interviewer. MAIS, ce qui me permet en même temps de répondre à la critique de brad, mon but était de dresser un état des lieux du surf business à tahiti et de ses acteurs (car justement, si on ne parle de ceux qui font le surf business dans un article sur le surf business, on parle de qui ?), et pas de répondre à la question : comment le surf peut rapporter de l’argent (ou comment les gens font à tahiti pour que surtout le surf ne leur rapporte rien), question(s) à(ux) laquelle(s) basile (tente de) répond(re). donc pas la meme problématique. et tes pistes sont vraiment interessantes… alors Y A PLUS QU’A comme on dit.
    voilà. on pourra en discuter plus longement 12C4 !!

Partager