Pourquoi la Billabong est-elle la seule compétition à Teahupo’o ?

Ce mois-ci encore, Tahiti Business par la voix d’Isabelle Bertaux nous offre un dossier sur le surf. Cette fois, c’est le Tow In qui est à l’honneur. Le Tahiti Business étant un magazine généraliste, c’est sans surprise que l’on trouve des pages de la qualité à laquelle Isabelle nous a habitués, mais manquant singulièrement de polémique alors que le sujet le permettait.
La question qui fait mal, la question génante , la seule la vraie, n’a pas été posée, et c’est cette question qui est l’objet de mon baratin d’aujourd’hui… Bonne lecture à tous !
(je rappelle, mes billets étant de plus en plus polémiques et néanmoins journalistiques, que des droits de réponses seront accordés à ceux qui en font la demande en commentaire)

La question d’une autre compétition à Teahupo’o est tout de même loin d’être idiote. Pipeline a d’autres compétitions que celle du WCT. Hossegor est le théâtre de nombreuses compétions locales, et il est difficile d’imaginer J-Bay sans compête le reste de l’année.
Pourquoi donc ferions nous exception à la règle ? C’est cette question qui a motivé l’enquête d’aujourd’hui, et c’est l’article de Tahiti Business sur le Tow In qui a déclenché l’enquête.
En effet, la compétition de Teahupo’o, après avoir été organisée localement, a trouvé des premiers sponsors chez Blue Torch et Gotcha. De WQS, la compétition est passée en WCT et a fini par se faire racheter par Billabong. S’en est suivi le jeu de dupe classique pour déterminer combien Billabong donnerait à la fédé ( mandatée par le ministère des sports pour gérer l’événement)

Le vrai impact de la Billabong sur l’économie

Ce jeu de « Tu me tiens je te tiens par la barbichette » est assez flou vu de l’extérieur, mais ce que l’on constate facilement, même sans recherche, c’est que Billabong agit sur le territoire pour ses propres intérêts et sans vision « stratégique » pour le surf en Polynésie. Vous allez me dire que c’est plutôt le rôle de la fédé, et c’est justement la que le bât blesse.
En bon gestionnaire, Bushie et ses australiens ont rapidement calculé qu’arroser généreusement une trentaine de gars chaque année pendant un mois reviendrait moins cher que de financer une vraie politique d’évolution du surf en Polynésie (politique qui serait menée par la fédé).
Nombreux sont les gens qui pensent que ce que donne Billabong ne sont que des clopinettes par rapport aux chiffres astronomiques qu’ils doivent récupérer en retombées de toutes sortes.

Pour information, un contact chez Tahiti Nui Travel m’indiquait récemment que les factures du Saint Regis (hôtel de Bora) s’élevaient régulièrement à 15 000 euro pour trois semaines (1,8 millions) Même en prenant les chiffres les plus optimistes avancés par Tahiti Presse, on peut considérer que les retombées directes de la Billabong (70 Millions) ne représentent qu’une toute petite quarantaine de touristes en plus au Saint Régis sur un an … Maigrichon, non ?

Contrôle de maths

Toujours selon les aveux de Tahiti Presse,

la Billabong Pro est un outil promotionnel gigantesque : 910 millions de foyers touchés répartis dans 192 pays, des milliers de pages dans différents magazines et 9 millions d’internautes par jour de compétition et qui n’ignorent plus où se situe Teahupoo.

Pour prendre un équivalent, sachez que les droits de retransmission du foot en France représentent 560 Millions d’euros.
Pour faire volontairement un calcul défavorable au surf polynésien, supposons que chacun des 60 millions de français regarde le foot, ce qui ramène l’investissement de Canal + à 9,3 euro par personne touchée, soit 1100 XPF. Si l’on multiplie ce chiffre par les 9 millions d’internautes touchés que Tahiti Presse avance, cela donne 9 900 000 000 XPF, soit presque dix milliards. Supposons qu’il y ait du foot tous les jours sur Canal +, et que la compétition de Teahupo’o ne dure que dix jours, et divisons les dix milliards par 365 jours et multiplions par 10 : 270 000 000 XPF… 270 MILLIONS !!! Je rappelle que le calcul est volontairement défavorable, mais il montre que Billabong dépense très probablement plus en droit de retransmission (avant d’avoir dépensé quoique ce soit à Tahiti) qu’ils n’injectent de devise dans l’économie polynésienne (188 millions, aux dires de Tahiti Presse)

Une autre compète ? Plutôt mourir !

Pour revenir à mon sujet de départ, les autres compétitions à Teahupo’o, sachez qu’ une compétition de TowIn a été proposée par une association locale de TowIn, et qu’elle a reçu un avis défavorable du Conseil Fédéral . Pour arriver à comprendre les raisons de ce refus qui n’a à ma connaissance pas été expliqué officiellement, on peut repenser aux choses suivantes :
En 2000, la millénium wave de Hamilton fait la une de tous les journaux avec … Oxbow.
L’année suivante, c’est au tour de… Malik.
Par la suite, Manoa (Billabong), Raimana (Quik), et les autres ont enfilé les tubes à Teahupo’o, en volant chaque fois un peu plus la vedette à la Billabong Pro.

Cette perte d’exclusivité sur Teahupo’o, il n’est pas difficile d’imaginer que Bushie a tenté de la limiter auprès de la garde rapprochée de la fédé avec un discours sur le thème « si on entend trop parler de Teahupo’o le reste de l’année, on va finir par se casser »
Si c’est bien ce qu’il s’est passé, ( je rappelle que le contrat, signé pour de très nombreuses années laisse imaginer que le contrat est juteux pour Billabong ) il ne serait pas étonnant que des personnes « aux commandes » fassent leur possible pour garder leurs bonnes relation avec Billabong.

Conclusion

Ce qui est dommage dans cette histoire, c’est qu’encore une fois, le surf polynésien est baffoué pour des intérêts personnels, et les marques internationales se conduisent comme des colons de 1850, distribuant des breloques aux indigènes pour pouvoir faire leur business tranquille … et ils y arrivent très bien. J’espère que la fédé et le gouvernement finira par comprendre qu’avec un atout comme Teahupo’o, nous avons les cartes en main et que Billabong n’est pas du tout en position de force, contrairement à ce qu’ils essayent de faire croire… Cependant, la partie est serrée car si l’ASP (le vrai décideur des étapes du dream tour) a l’impression que Teahupo’o « fait des manières » nous risquons de perdre cette manne dont nous profitons si peu à Tahiti, et dont d’autres profitent tant à travers le monde

Ps : Pour info, je suis en discussion avec l’ASP pour arriver à obtenir les vrais chiffres de sponsoring des étapes du dream tour… à suivre !

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