Je réfléchis depuis un an au principe suivant :
Créer un “syndicat de citoyens” qui serait — en substance et en simplifiant — à l’électeur ce que “60 millions de consommateurs” est au consommateur.
Voici les étapes de mon raisonnement ainsi qu’une conclusion sur l’intérêt d’un tel dispositif en fin d’article.
Les étapes n’ont pas de cohérence apparente, à moins de lire jusqu’au bout leur articulation dans la conclusion.
(disclaimer, ma connaissance du droit se limite à ce que j’en lis et comprends dans les journaux, vous me pardonnerez/corrigerez les approximations)
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L’un des outils les plus puissants en France est le droit.
Le droit est souvent le meilleur moyen d’échapper à la justice, paradoxalement. Un non-lieu pour un vice de forme permet souvent à certains d’aller clamer haut et fort qu’ils ont été blanchis par la justice — ce qui n’a pourtant rien à voir. Or, n’importe quel avocat vous le dira, si on a les moyens de chercher un vice de forme, de faire durer, d’aller d’appel en pourvoi, quitte à glisser des peaux de banane/QPC dans la procédure, ou d’aller faire un tour en CEDH, on peut rester très longtemps sans condamnation définitive.
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Le droit, selon que vous soyez puissant ou misérable ?
Cependant, on aurait tord de croire que seuls les riches peuvent se payer la justice. Voici un exemple suffisamment éloigné de la politique et de la justice métropolitaine pour donner à réfléchir. En 2003, Henri Flohr, maire de Hitia’a O Te Ra (Tahiti) se voit condamné à une peine d’inéligibilité. Curieusement, Henri Flohr, reste en poste. Un mois, puis deux. Les journaux locaux commencent à s’en faire l’écho, de plus en plus fort. Huit mois passent entre la condamnation définitive de Henri Flohr, sous la présidence de Gaston Flosse, relativement bienveillant à l’égard du condamné. Huit mois pendant lesquels un inéligible en dernière instance siège comme maire, touchent ses indemnités, etc. Huit mois. Sur ce, arrive Yves Conroy, simple citoyen, qui porte plainte contre le Haut Commissaire de la Polynésie française (équivalent du préfet, plus haut représentant de l’état dans cette collectivité d’outre mer) pour non application d’une décision de justice. Le lendemain — vous avez bien lu, le lendemain — le Haut Commissaire notifie Henri Flohr de sa condamnation et le démet d’office de tous ses mandats électifs, huit mois après sa condamnation définitive.
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Quelle intérêt pour quelle action ?
Autre souvenir — probablement approximatif — issu de ma mémoire toujours attentive aux questions de paradoxe légal : après avoir lu “Meurtre pour mémoire” de Daenincks, j’avais bien retenu la description effarante du rôle de la police parisienne et plus particulièrement de Maurice Papon, alors préfet de police de Paris dans les massacres du 17 octobre 1961. J’avais ainsi suivi avec intérêt la plainte en diffamation de Maurice Papon contre Jean-Luc Einaudi pour la phrase « En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon »
Maurice Papon fut débouté, et, étant à l’époque jeune et peu au fait du système judiciaire, je finis par comprendre que si Papon a été débouté pour sa plainte en diffamation, cela ne voulait pas pour autant dire qu’il serait jugé pour avoir ordonné ou pas le massacre en question.
Pour se faire, il aurait fallu que quelqu’un porte plainte, ce que j’aurais fait volontiers si la savoureuse notion de l’intérêt pour agir ne s’était pas mis en travers de mon chemin, comprenez que je n’avais que 21 ans et plein d’autres choses à faire.
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Le droit, notion transcendantale par excellence.
Le droit a sans doute quelques défauts, mais nos codes civil et pénal ont une qualité manifeste, à part des épi-phénomènes comme le mariage pour tous ou la peine de mort, en ceci que la plupart des citoyens de tous bords tombent souvent d’accord pour dire que les peines prévues seraient efficaces si elles étaient appliquées et s’il n’y avait pas tant de moyen d’échapper la justice. Acceptez cette idée très “café du commerce” sans trop y regarder pour la suite du raisonnement.
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“Ils sont partout”
Que l’on parle des francs maçons, des ENArques, des juifs, des musulmans, des homosexuels, des bretons, j’en passe et des meilleurs, chacun a — là encore dans un raisonnement très “café du commerce” — sa petite explication complotiste pour expliquer l’influence de tel ou tel communauté d’intérêt et se plaindre de la puissance des lobbies, ou de la capacité de nuisance des groupes de pression.
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La défaite des partis politiques
Sans m’étendre sur la chute vertigineuse du nombre d’abonnés des partis politiques et de leur faiblesse de représentation citoyenne, il suffit d’un repas de famille — quelque soit la famille — pour ressentir que les politiques ne représenteront plus qu’eux même dans leurs clivages passéistes. Quelque soit la sensibilité politique de chacun, tout le monde a vu son bulletin de vote trahi un jour ou l’autre, au motif qu’un groupe de pression ou l’autre aura fait pencher une balance dans laquelle le citoyen a finalement trop peu de choix, à part le jour du scrutin — et encore ?
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Conclusion
Le vocable “syndicat de citoyens” est moins naïf qu’il n’y parait. On a pas besoin d’être d’un courant politique précis pour trouver scandaleux qu’un maire inéligible soit toujours en poste sans intervention de l’état. S’il y a un lobby qui devrait être tout puissant et qui n’est manifestement pas respecté par la représentation nationale en dehors des périodes de campagne électorale, c’est bien le lobby des citoyens.
Considérons un instant le dispositif suivant :
- une association non politisée, qui transcende les partis politiques (faire respecter le droit, ça n’est finalement pas une question d’orientation politique)
- dont la communauté d’intérêt est la plus large possible, la citoyenneté française et/ou la résidence sur le sol français.
- dont l’objet serait la défense des intérêts de ses membres (ie les français et les résidents sur le sol français)
- qui pourrait saisir quasiment n’importe quel juridiction au motif de son objet lorsque le besoin s’en fait sentir.
- qui aurait les moyens de ses ambitions vu la base d’adhérents potentiels colossale.
Un tel dispositif pourrait :
- porter plainte contre le Haut Commissaire comme dans l’exemple ci-dessus
- porter plainte contre Maurice Papon comme dans l’exemple ci-dessus
- séduire les abstentionnistes qui auraient par ce biais un vrai pouvoir sur les errements du système actuel et promouvoir le nombre de ses adhérents comme contre-pouvoir aux partis, plutôt que de permettre aux politiques de dire que l’abstention ne représente rien. On peut s’abstenir et vouloir avoir un impact sur la société
- faire des actions symboliques de premier plan pour représenter le ras-le-bol général. (par exemple contre la SoGé post-panama papers, ou les frais des anciens présidents, ou encore contre les promesses de campagnes non tenues, à tous les niveaux de mandats)
Qu’en pensez vous ?